Samurai Shodown, les règlements de comptes ?

Samurai Shodown n'est pas qu'une invitation au voyage dans l'espace et dans le temps, dans un Japon féodal où prévaut le Bushidô. Cela a peut-être été également l'occasion pour SNK de faire quelques petites attaques discrètes. Cela est surtout vrai pour les débuts de la série.

On peut penser que les Américains sont assez ridicules dans le premier opus, à commencer par Earthquake. Passons sur sa corpulence et les préjugés qu'on peut avoir sur les Américains pour nous intéresser à la façon dont il attrape ses adversaires. Il les saisit et leur pète carrément au nez. En cas de victoire, un petit rôt est parfait. Et l'argent volé, il le range dans son slip. Il vole, il pète, il rôte, il est sale : tout pour plaire. SNK aurait très bien pu faire un tel personnage, mais japonais (car il y en a, dans Samurai Shodown). Non, ce sera l'un des deux Américains, il y a de quoi s'interroger.

Passons à l'autre Américain des premiers épisodes. Il s'agit de Galford. Avec ses cheveux blonds et son teint halé, il a de quoi faire davantage penser à un surfeur qu'à un ninja digne de ce nom. La comparaison avec son rival, le très sérieux Hanzô Hattori, ne plaide vraiment pas en la faveur du Californien. En plus Galford se bat "pour la justice et la vérité", on se croirait face à Superman ! Bref, une autre caricature d'Américain, certes bien plus flatteuse et séduisante que celle que constitue le géant Texan.

SNK semble pourtant avoir fait un effort sur les autres combattants non japonais. Charlotte ne porte pas de béret et ne se bat pas avec une baguette de pain. Sieger n'est pas en Nazi et Wan-Fu ne porte aucun chapeau conique. Ces personnages paraissent avec un trait moins forcé que nos deux compères d'Outre-Atlantique. Le fait que Galford et Earthquake soient si caricaturaux vient peut-être d'une rancœur anti-américaine remontant aux deux bombes de 1945, fut-elle inconsciente. Curieuse coincidence, le dernier stage du jeu se trouve à Nagasaki.

Toujours est-il que Galford va gagner en style, et ce dès le deuxième épisode. Plus affirmé, il va devenir un personnage de premier ordre. Quant à Earthquake, il sera carrément enlevé du roster (jusqu'à l'épisode VI).

L'autre cas est davantage d'ordre religieux. Il s'agit d'Amakusa Shirô Tokisada, boss du premier épisode. Il s'inspire du vrai Amakusa Shirô, meneur de la rébellion de Shimabara. Cette révolte, certes religieuse, était également d'ordre économique, les paysans ne pouvant plus payer l'impôt au shogun. Elle fut réprimée dans la violence et les insurgés furent décapités en 1638.
Samurai Shodown prenant place en 1788, Amakusa est censé avoir pris possession d'un corps (celui de Shinzô Hattori) afin de revenir parmi les vivants et se venger du shogunat. Condescendant, avide de vengeance et affublé d'une apparence androgyne pas très sérieuse, Amakusa est plus ridicule qu'autre chose, et bien loin de son modèle.

Cela n'est que spéculation, on pourra toujours dire que Galford est l'archétype du beau gosse américain, ce qui n'est pas du tout méchant. En ce qui concerne Earthquake, que c'est le gros bandit pas très propre et que ce n'est qu'un hasard qu'il soit un Texan. Il n'empêche, on peut s'interroger. SNK était-elle une société particulièrement américanophile ? La compagnie a-t-elle respecté ce qu'a représenté la rébellion paysane de Shimabara ou a-t-elle soutenu a posteriori le shogunat Tokugawa ? Pas si évident de répondre à ces questions et de trancher de façon catégorique.

Ce qui est plus certain, c'est que SNK s'affranchira de ces questions dans les épisodes suivants. Plus d'Earthquake, un Galford devenu presque aussi charismatique que son rival Hanzô et un Amakusa sans allusion à son modèle historique : les choses deviennent moins ambigües.

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