NeoGeo Battle Coliseum
 
 


fighting game
©2005, SNK Playmore


 
     

S'il est un exercice encore plus périlleux que celui d'offrir un épisode d'une saga connue telle que King of Fighters ou Street Fighter par exemple, c'est bien de concevoir - et réussir - un crossover d'envergure. Il y a eu du bon, du moins bon et carrément de l'excellent. Citons par exemple King of Fighters '94, réunion jubilatoire de Fatal Fury et Art of Fighting, ou encore SNK vs. Capcom: The Match of the Millennium, affrontement épique entre les deux firmes rivales sur NeoGeo Pocket Color. On peut supposer que cette difficulté à satisfaire un public forcément exigeant après autant de promesses et d'espoirs rend les jeux du genre plutôt assez rares.
En 2005 les trois derniers crossovers en date du jeu de combat ne sont pas aussi mémorables que ceux sus-cités, même si tout n'est pas à jeter. Capcom vs. SNK 2 est une généreuse amélioration du premier, n'hésitant pas à faire le plein de fan service. Quant à SVC Chaos, il constitue un cas d'école de jeu correct dans l'absolu, mais de crossover en définitive très décevant. Enfin Capcom Fighting Jam tient davantage de l'expérimentation à base de sprites importés que du jeu maîtrisé pour un résultat somme toute plutôt plaisant, à défaut d'être concluant.

 
 
Capcom vs. SNK 2
(2001, Capcom)
 
SNK vs. Capcom: SVC Chaos
(2003, Playmore)
 
Capcom Fighting Jam
(2004, Capcom)

Quoi qu'il en soit, chaque annonce d'un jeu de ce genre provoque systématiquement espoirs et fantasmes, tant il y a de l'attente ; espoirs et fantasmes qui laissent souvent place à l'exigence et la déception. Est-ce aussi le cas du titre qui nous intéresse ici ?
Espoirs et fantasmes, oui, assurément. Imaginez, encore plus fort que King of Fighters qui réunissait deux séries plus ou moins contemporaines dans leurs scénarios respectifs. Ici, c'est carrément l'ensemble de l'univers de la Neo·Geo qui est mis à l'honneur.
Exigence, il y en aura aussi forcément, tant NeoGeo Battle Coliseum arrive plein de promesses, dont celle de faire oublier le faux pas SVC Chaos. Déception ou non, c'est ce que nous allons voir.

Côté scénario, c'est aussi confus que banal. En bref, un fou veut conquérir le monde en se servant d'un tournoi et deux agents secrets viennent enquêter. Rien d'extraordinaire, donc.

Les promesses en question sont confirmés par l'intro : du Last Blade, du KOF, du Fatal Fury, du Art of Fighting, du World Heroes, du Samurai Shodown, du Metal Slug... Cela s'annonce fort bien et, chose qui ne gâche rien, c'est d'une qualité supérieure à celle de KOF Neowave.
On reste parfaitement dans la lignée des intros de jeux Neo·Geo avec des images fixes ou légèrement animées assemblées dans un montage qui rend le tout assez dynamique.


Quant au menu principal, il ne propose qu'assez peu de modes de jeu : Arcade Play, Arcade VS, Tag Play, Survival Challenge, Practice, Gallery et Game Option. Rien d'exceptionnel mais l'essentiel est présent.
Le mode Arcade Play est assez particulier, il propose un temps limité pour vaincre le plus d'équipes possibles avant d'affronter un boss, un peu à la manière d'un Survival. Tous les trois combats, on peut choisir un bonus restaurant la barre de santé, la Power Gauge ou le compteur de temps.
Le Tag Play est plus classique avec un nombre de combats fixes avant d'affronter un boss de fin.

Les options permettent de configurer intégralement le jeu à sa convenance, du niveau de difficulté à l'édition de couleurs pour les personnages, en passant par des filtres graphiques, le réglage du son ou encore la configuration des commandes. Le tout, évidemment sauvegardable en mode automatique.

Justement, à propos de la configuration des commandes, celle-ci convient très bien à la Dual Shock 2. Origine Atomiswave oblige, on pourra toutefois y remarquer la présence d'un cinquième bouton de base permettant de changer à la volée de combattant. À part cela, on retrouvera à peu près les fondements d'un King of Fighters avec deux niveaux de puissance pour les coups. Seulement à peu près, il ne s'agit pas d'un KOF, comme en attestent par exemple le frontstep qui peut être prolongé par une course si on maintient la direction enfoncée ou les niveaux de saut, moins nombreux.
: poing faible
:
pied faible
: poing fort
: pied fort
: changement de personnage / tag attack en garde
: frontstep ou course
: backstep

 

La filiation avec KOF n'est en effet que très partielle, SNK Playmore ayant pris soin de ne pas trop faire doublon avec sa série fétiche. Les combinaisons n'en sont toutefois pas très éloignées.
Par exemple, on n'a pas la célèbre roulade
mais on garde la possibilité de faire une glissade façon KOF '99 (il en coûte alors la moitié d'une Power Gauge) ou de se rattraper lors d'une chute avec .
Si l'attaque puissante
n'existe plus, il y a la possibilité de se dégager d'une saisie avec .
Enfin toujours au chapitre des combinaisons
, + déclenche le Double Assault, une attaque coordonnée des deux membres de l'équipe qu'on a choisie. Cette dernière est réalisable dès que les mots "D-Assault OK!" apparaissent en bas de l'écran.

+

NeoGeo Battle Coliseum a donc des origines "koffiennes" indéniables mais altérées, à l'image de SVC Chaos. Ce dernier offrait tout de même une jolie variété au niveau des combattants, présence de Capcom oblige. Ici, NGBC fonctionne en vase clos, intégralement tourné vers l'univers de SNK. Eh bien malgré cet obstacle, il joue la carte de la diversité en ne proposant que 4 personnages propres à KOF : Kyô, Iori, K' et Shermie.
On pourra objecter que d'autres sont présents dans la saga fer de lance de SNK en ajoutant Terry, Ryô (Mr Karate), Robert, Mai, Kim, Geese et Mr Big. Cela ne sera que pinaillage car c'est oublier bien trop vite qu'il s'agit avant tout de Fatal Fury, Art of Fighting et même Buriki One. Et quand bien même ce serait recevable, cela ne représente que 11 combattants pour un total de 34 choix possibles.
On peut alors choisir son équipe de deux combattants, puis l'ordre de passage.

Quoiqu'il en soit, NeoGeo Battle Coliseum puise avec gourmandise dans le vivier de personnages SNK, prenant bien soin de ne pas se limiter aux jeux de combat classiques. On a même droit à du Metal Slug et du King of the Monsters avec Marco Rossi et Cyber Woo.
SNK Playmore profite de l'occasion pour proposer deux personnages inédits, Yuki et Ai. Il s'agit de deux agents fédéraux venus enquêter au tournoi NeoGeo Battle Coliseum.
S'ils sont sympathiques, il faut bien avouer que même ayant l'excuse d'être nouveaux, ils manquent cruellement de charisme. N'est pas Iori Yagami ou Genjûrô Kibagami qui veut, si on prend l'exemple de combattants emblématiques qui ont su s'imposer tout en assumant le statut de "nouveaux".

Charismatiques ou non, issus de KOF ou non, toujours est-il que tous les personnages disposent d'un panel de coups spéciaux dont la liste est accessible depuis le menu pause. On retrouvera des coups spéciaux classiques bien connus des habitués de la Neo·Geo (ainsi que d'autres inédits pour les nouveaux venus), ce qui donnera un mélange inhabituel mais toujours harmonieux.

Morning Star Wind Fang
+ ou
Ninja Whirlwind
+ ou
Flying Slice
(2 sec) + ou

Outre ces coups spéciaux, SNK Playmore a bien sûr prévu d'autres réjouissances avec des super coups nécessitant une, deux, voire trois Power Gauges ! Autant dire tout de suite que les dégâts infligés avec ces coups de niveau 3 sont dévastateurs. Précisons toutefois que les combattants ne disposent pas tous de super coups de niveaux 2 et 3.

Hurricane Bash
+ ou
Perturbed Peonies
(saut) + ou
Deadly Rave
+

Comme cela vient d'être évoqué, il y a effectivement une Power Gauge, cette dernière ayant trois niveaux. Ces derniers se remplissent automatiquement avec le temps, mais cela peut être accéléré en donnant ou en encaissant des coups.

Et qu'en est-il des coups spéciaux à deux ? Eh bien, en plus du Double Assault existe une attaque spéciale uniquement faisable si on a pris un duo prédéterminé et en ayant rempli quelques conditions au préalable. Prenons l'exemple de Haohmaru. Il doit être associé à Genjûrô et avoir déclenché la Rage Explosion (cette dernière coûte 3 Power Gauges !) depuis moins de dix secondes. Les commandes à entrer utilisent le bouton de changement de personnage, .

Single Flash
+

Côté décors, NeoGeo Battle Coliseum ne se montre pas trop pingre même si la règle 1 stage / 1 équipe est très loin d'être respectée. On a tout de même 8 toiles de fond en 2D rappelant le passé glorieux de la Neo·Geo ou même de SNK en général avec par exemple le Cool Cool (Kurukuru, une fois retranscrit à la japonaise) évoquant Cool Cool Toon.
Dans tous les cas il s'en dégage une ambiance sympathique, ici complétée dans ce portage par 4 décors supplémentaires en 3D. Même s'ils n'ont pas de nom et que leur qualité est variable, l'attention reste très appréciable.
Enfin on pourra ajouter à tout cela ceux des boss, un commun pour Mizuchi, Shishiô et Neo-Dio et un à part pour Goodman.

En tant que crossover, NeoGeo Battle Coliseum est attendu de pied ferme au niveau du contenu. En tant que deuxième jeu signé SNK Playmore sur Atomiswave, il l'est également en ce qui concerne sa qualité de réalisation, après la semi-déception KOF Neowave. Ce jeu est-il davantage à la hauteur ? Réponse tout de suite.



Autant évacuer la question immédiatement, NeoGeo Battle Coliseum n'exploite pas du tout à fond l'Atomiswve pour son visuel. Voilà, c'est dit, il ne faudra pas s'attendre à du Guilty Gear X 1.5 ou Isuka. Tout comme KOF Neowave, KOF Dream Match 1999 ou encore Capcom vs. SNK, il se contente de proposer des sprites basés sur du 320p intégrés dans des décors affichés en 480p, disponibles ici pour la plupart en deux variantes. NGBC propose bien quelques filtres qui floutent les personnages, mais le résultat n'a rien d'extraordinaire.
Cela étant, ces derniers ne sont pas mal du tout, on n'est absolument pas dans le recyclage paresseux de vieux KOF. Beaucoup sont inédits, les autres provenant de titres tels que SVC Chaos ou encore KOF 2003.
Quant aux stages, ils montrent clairement leur filiation avec ceux du crossover sus-cité en adoptant des teintes assez froides, ce qui ne les empêche pas d'être bien plus inspirés, surtout pour ceux en 2D. Certains pourront les trouver un peu vides, surtout en comparaison de ce qui se fait chez Capcom. Toujours est-il qu'on ajoutera à tout cela le fait que le jeu puise clairement mais sans excès dans l'univers de SNK et on obtient un côté fan service mesuré qui fait bien plaisir.


Des mouvements basés sur KOF pour l'efficacité et la lisibilité, quelques effets de lumière histoire de montrer qu'on n'est plus sur Neo·Geo, un zoom inversé qui élargit le champ de vision : NeoGeo Battle Coliseum ne bouscule pas les habitudes et se contente d'être très solide à ce chapitre.
SVC Chaos n'avait pas saisi l'occasion d'assumer son statut de crossover au potentiel énorme en évitant soigneusement les caméos et autres références qui auraient pu faire plaisir aux fans. NeoGeo Battle Coliseum ne tombe pas dans ce travers et glisse çà et là quelques apparitions sympathiques : Ralf, Clark et Leona devant une antenne géante, Bob Wilson et Carol Stanzack dans un parc à thème, pour n'en citer que quelques-uns. Même si on ne verse pas dans le fan service ultra appuyé façon Capcom vs. SNK 2.


En revanche ici il n'y aura aucune référence au passé, les musiques étant toutes inédites et plutôt réussies même si, honnêtement, on pourrait presque les intervertir d'un stage à l'autre. Pour ceux qui espéraient du souffle puissant façon SNK, il faudra repasser. Inutile de crier au scandale non plus, c'est tout de même bien mieux que KOF Neowave : cela reste plus que convenable avec en sus la possibilité d'avoir des versions remixées.
Quant aux bruitages, cela manque d'impact, on ne ressent pas vraiment la puissance des coups portés. Oh, on n'a pas non plus l'impression de personnages en polystyrène façon KOF 2003, mais on est - là encore - loin du SNK de la grande époque.





Quelque part à mi-chemin entre un KOF et un SVC Chaos, NeoGeo Battle Coliseum développe ses propres mécaniques de jeu grâce à son principe d'équipe de deux et à sa Power Gauge qui se remplit automatiquement. Cela changera un peu des grands classiques.
Changer pour changer, ce n'est pas terrible. Aussi NGBC propose-t-il une jouabilité précise et intéressante en soi. Il est en revanche dommage que le Special Double Assault, si difficile à obtenir tant les conditions d'accès sont restreintes, ne soit pas plus dévastateur.
Associer des combattants issus de différentes sagas n'est pas chose aisée, tant un Samurai Shodown se joue différemment d'un KOF, d'un Fatal Fury ou même d'un Last Blade. Même si certains abus finissent immanquablement par se dessiner avec le temps, il faut bien avouer que SNK Playmore a tout de même correctement unifié tout cela.


Avec 34 combattants de base et 6 à débloquer (dont Athena et Mars People de SVC Chaos), NeoGeo Battle Coliseum est généreux, mais pas non plus étourdissant pour un crossover promettant de réunir tout l'univers de la Neo·Geo. De toute évidence y inclure tous les personnages imaginables aurait été impossible. Mais là, on se retrouve tout juste au niveau d'un gros KOF et encore, l'épisode Neowave en propose 45 sur PlayStation 2. On saluera davantage le choix judicieux quant à la distribution qui dénote clairement un désir de variété, même s'il ne pourra évidemment contenter pleinement tout le monde.
Côté modes de jeu il y a l'essentiel, mais inutile de chercher un mode Histoire ou Quête bien étoffé. Si à plusieurs on trouvera toujours de quoi faire, le contenu est donc assez limité en solo. Cela est d'autant plus flagrant que le jeu est frappé de l'inévitable SNK boss syndrome, empêchant de fait de pouvoir achever une partie sans user de techniques sournoises.



 
Bilan
 
 

On s'en doutait, la réponse posée en début de test est donc oui. Un crossover engendre au final presque immanquablement de la déception et surtout ne saurait en aucun cas faire l'unanimité. Cela le condamne-t-il pour autant à la médiocrité ?
Loin de là. Très loin de là. NeoGeo Battle Coliseum surpasse aisément son aîné SVC Chaos et domine de la tête et des épaules KOF Neowave, tant il tient son rang de crossover d'envergure et exploite mieux les capacités de l'Atomiswave. Les progrès sont indéniables et il serait dommage que les attentes déçues fassent taire les compliments que ce titre mérite.
Le jeu garde néanmoins de réels défauts comme les nouveaux héros sans aucun charisme, une bande-son totalement oubliable, des décors un peu vides ou encore un contenu pas très généreux. Cela n'en fait évidemment pas un mauvais titre pour autant.
Nous voilà donc face à un solide jeu de combat en 2D qui, même s'il n'égalera jamais un Samurai Shodown IV, un KOF '96 ou un RBS en leur temps, mérite sans aucun doute le détour pour tout amateur de Neo·Geo ou de SNK.

Les autres y resteront peut-être insensibles et préfèreront logiquement le très généreux et coloré Capom vs. SNK 2  ou l'étrange Capcom Fighting Jam peut-être moins maîtrisés, mais plus festifs. Mais après tout, ce vaste hommage à la Neo·Geo ne s'adresse manifestement pas à eux.


Sorti à l'origine sur Atomiswave, NeoGeo Battle Coliseum a été adapté sur deux consoles, la PlayStation 2 et la Xbox 360 (et aussi sur PlayStation 3 japonaise et Xbox One, mais il s'agit de versions respectivement identiques). Le portage sur PlayStation 2 en est 4/3 alors que sur
Xbox 360, le jeu est élargi (mais pas déformé) en 16/9, les sprites sont affinés et les artworks redessinés. Dans cette version uniquement disponible en dématérialisé, il faudra oublier les stages en 2D de la version Atomiswave mais en contrepartie de tout nouveaux en 3D font leur apparition, dont un consacré à League Bowling assez réussi. Enfin signalons que cette dernière gagne un mode de jeu en ligne (désormais hors service) et perd le mode Arcade en ne proposant que le mode Tag, ici renommé Story Mode.
Chacun choisira la version qu'il veut ou qu'il peut, mais dans tous les cas cela reste un jeu très intéressant, même si KOF XI l'a globalement surpassé sur à peu près tous les points.
Cette plongée un peu timide dans l'univers de la Neo·Geo satisfera la plupart des amateurs de ce système, ces derniers pouvant savourer une réunion inespérée de leurs personnages préférés.

Tarma

 
     

   




 

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